L’hérésie iconoclaste

Pour le plus grand nombre, l’Orthodoxie est intimement liée aux icônes. Il suffit d’entrer dans une église ou dans une maison orthodoxe pour s’en rendre compte. Mais l’Église a malheureusement vécu une période durant laquelle les icônes étaient bannies, interdites et même brulées.

La période iconoclaste a duré de 726 à 843 de notre Ère. Pour plus de cent ans, l’Église a dû subir cette persécution à une époque où le christianisme était bel et bien ancré dans l’Empire Romain d’Orient.

Tout commença en 726 après J.-C. l’Empereur Léon III fait adopter une loi qui stipule l’interdiction du culte des icônes. Mais pourquoi ? Pourquoi ce Roi s’est mis soudain en tête de changer le christianisme de façon si radicale ?

Il faut savoir que l’Empereur Léon III est originaire d’Isaurie, une région frontalière de l’Empire Romain d’Orient, habituée à la guerre. Cette région de l’Empire, influencée grandement par une autre hérésie, le Monophysisme (doctrine selon laquelle le Christ n’a qu’une nature, qui est divine, et qui a absorbé sa nature humaine), était, par sa position géographique, souvent en contact avec les peuples au-delà des frontières et a été le premier témoin de l’émergence d’une nouvelle puissance : les Arabes. Les Arabes qui, portés par une religion nouvelle, l’islam, semblaient invincibles. Et cette religion à une caractéristique : on ne représente pas le divin sous aucune forme. Alors, il n’en fallut pas plus à l’Empereur pour faire la corrélation entre cet iconoclasme de l’islam et leur réussite militaire.

Des Iconoclastes recouvrent de chaume l’Icône du Christ. Psautier Chludov (environ 830). Moscou, Musée d’Histoire.

Mais cette loi n’a pas été accueillie à bras ouvert. Au contraire, elle fut directement vivement rejetée par le peuple, soutenu par les moines qui furent les plus fervents opposants à cette hérésie. Apparaissant comme un contre-pouvoir face au pouvoir impérial, les moines firent ainsi l’objet d’une persécution qui dura jusqu’à la fin de l’iconoclasme en 843, avec un léger interlude entre 775 et 813, période durant laquelle deux Empereurs Iconophiles furent au pouvoir.

Le dogme de l’Incarnation

Seulement, ce n’était pas uniquement les icônes qui étaient visées avec ce décret Impérial. Dès l’instant même où fut posée la question des saintes icônes, le dogme de l’Incarnation se trouva placé au cœur des controverses théologiques qu’elles suscitèrent. Une double vérité est en effet au centre du mystère de l’incarnation de Dieu, qui implique de concilier à la fois la nature de Dieu, Être invisible et qu’on ne peut circonscrire puisque infini et illimité par essence, mais aussi, d’autre part, la réalité du Christ, du Fils unique de Dieu, « image du Dieu invisible » qui nous a bien révélé Dieu présent et devenu visible en une personne humaine, donc « circonscriptible ». D’un côté, il paraît impossible de réaliser aucune image de Dieu ou de le circonscrire dans aucun contour, mais de l’autre, à travers l’icône du Christ, Dieu est réellement devenu visible pour les hommes1.

L’iconoclasme est de ce fait un combat bien plus important que l’acceptation ou non des icônes. C’est un combat pour la véritable nature du Christ, à la foi homme et Dieu. Les iconoclastes mettaient en cause la vision chrétienne de l’Incarnation, et donc les rapports de Dieu et du monde, les questions de la grâce et de la spécificité de la Nouvelle Alliance2.

Argumentation en faveur des icônes

Saint Jean de Damas

Dès 730, Jean Damascène prenait la défense des icônes dans ses Traités contre ceux qui décrient les saintes images ; il développa en particulier l’argument fondamental de l’Incarnation : « Puisque l’Invisible, s’étant revêtu de la chair, apparut visible, qu’on représente désormais la ressemblance de Celui qui s’est montré3 ». Écrits dans un style simple, les traités de Jean Damascène mirent leur argumentation à la portée du petit peuple et jouèrent un rôle important au cours du second concile de Nicée (7ᵉ Concile Œcuménique, septembre-octobre 787). Dans sa quatrième session, ce concile rassembla tous les passages bibliques et patristiques qui justifiaient le culte des images et déclara : « Les représentations de la croix, de même que les saintes images, qu’elles soient faites avec des couleurs ou de la pierre, doivent être placées sur les vases, les habits, les murs, les maisons et dans les chemins… Plus on regardera ces images, plus on se souviendra de celui qu’elles représentent, plus on sera porté à les vénérer en les baisant, en se prosternant, sans leur témoigner cependant l’adoration véritable qui ne convient qu’à Dieu seul, mais on leur offrira de l’encens et des lumières, comme on le fait pour la Sainte Croix et les saints Évangiles… Quiconque vénère une image, vénère la personne qu’elle représente. »4

La fin de la crise

Le dernier Empereur iconoclaste fût Théophile qui mourût en 842. Son fils, Michaël III lui succéda, mais étant mineur, c’est son épouse Théodora, iconophile, qui garantit la régence.
Il est curieux de constater que, malgré une crise qui dura plus d’un siècle, la fin de l’iconoclasme ne suscita aucune réaction négative et fût même appuyée par les conseillés de l’Empereur Théophile, eux-mêmes iconoclastes quelques mois plus tôt.

Ainsi, le 11 mars 843, le patriarche Méthode 1er de Constantinople dirigea une procession solennelle depuis l’église Sainte-Marie des Blachernes jusqu’à la basilique Sainte-Sophie, symbolisant le retour des icônes dans l’église impériale : ce fut le Triomphe de l’Orthodoxie.5

Conclusions

L’iconomachie ou iconoclasme a été une période très sombre pour l’Empire romain d’Orient. C’était une période durant laquelle il a vu son Église, ses Patriarches humiliés, sa base spirituelle, qui n’est autre que l’ordre monastique, attaquée et dépouillée par le pouvoir politique. Mais, comme devant toutes les hérésies apparues dans l’histoire de L’Église, des Saints ont émergés de leurs déserts, de leurs anonymats pour défendre la vérité, défendre l’Orthodoxie.
Finalement, la conséquence la plus grave de cette hérésie et, en fin de compte, celle qui fût irréversible, constitua l’amorce de la détérioration progressive des relations entre le monde grec et latin.
Détérioration qui mena inexorablement au Schisme définitif en 1054.

Icône du Dimanche de l’Orthodoxie

1,2,4,5. Contributeurs de OrthodoxWiki, « Iconoclasme », OrthodoxWiki, ,https://fr.orthodoxwiki.org/index.php?title=Iconoclasme&oldid=5279
3. Migne, Patrologie grecque – Saint Jean Damascène, 94, 1239.